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DES AFFICHES ET DES FILMS ANNONCES CRÉÉS PAR DES ÉTUDIANTS

Vincent Dietschy

Le but de ces ateliers, dont l’encadrement était assuré par des publicitaires professionnels, devait être la création par deux classes d’étudiants, l’une en direction artistique, l’autre en réalisation, d’affiches originales et de films annonces pour Notre histoire. L’idée était que je sois engagé par l’école pour accompagner ces travaux, qui pourraient, le cas échéant, être utilisés par la suite au moment de la sortie du film.

Entendons-nous bien. Il ne s’agissait pas de piller le travail d’étudiants. Quand j’étais à l’IDHEC, puis quand j’ai enseigné à la Fémis, deux écoles dont le financement a toujours reposé essentiellement, si ce n’est exclusivement (dans le cas de l’IDHEC), sur de l’argent public, les travaux des étudiants étaient immobilisés. Rien ne pouvait sortir de l’école qui avait été fabriqué à l’école, et c’était le cas de tous les travaux (à l’IDHEC, car depuis, la Fémis a trouvé certains aménagements pour essayer de solutionner ce point). Un blocus que je n’ai pas très bien vécu, quand j’étais étudiant à l’IDHEC. Quel sens cela avait-il de faire des films si c’était pour qu’ils ne soient projetés qu’à l’école ? Quel sens cela aurait-il de faire des affiches si c’est pour ne pas les présenter au public ? Alors, dès qu’à la fin du mois d’août 2019, j’évoque avec le directeur l’expérience à venir de ces ateliers, je les vois comme un échange vertueux, la possibilité pour moi de pousser plus loin mon travail dans l’école, et pour les étudiants une chance d’accéder à une fenêtre qu’ils devraient, sinon, attendre des années. J’apporte mon travail artistique, les étudiants apportent le leur, le film fait le lien entre nous, sans que personne ne soit en position de surplomb, et si tout se passe bien, nous faisons un bout de chemin ensemble, en nous portant mutuellement, au-delà d’un parcours strictement scolaire.

À la connaissance du directeur et à la mienne, c’est la première fois qu’une école de publicité de ce niveau met ses ressources au service d’un long métrage avant sa sortie en salles. C’est dire à quel point cette aventure est inédite. Trente-six étudiants sur les deux classes, âgés de 21 à 25 ans, professionnels bientôt accomplis, accompagnés par des tuteurs chevronnés, directeur artistique, concepteur rédacteur, monteurs, tous mobilisés pendant cinq jours entiers sans aucune autre contrainte que de créer les plus beaux projets d’affiches et les plus belles bandes annonces pour le film, cela ressemble à un rêve. C’est aussi une façon de poursuivre la révolution des pratiques qu’a constitué la fabrication du film, à un endroit, l’élaboration des affiches, où les contraintes, les empêchements, les pressions de tous ordres, le contrôle exercé de toutes parts sont habituellement extrêmement forts, mais rarement, voire jamais, créatifs. Le renversement de ce processus me fait jubiler. Enfin, pour la première fois, je peux tester Notre Histoire (Jean, Stacy et les autres) sur un public de personnes que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, constitué par les étudiants en publicité et leurs professeurs.